Recette aux herbes sauvages, par Jean Sulpice

Au cœur de la cuisine de Jean Sulpice

Inlassablement attiré par l’extérieur, ce goût de la nature loin d’être anodin, vient s’inscrire pleinement dans l’être du cuisinier. Une recherche constante d’un lien toujours plus intimiste, plus profond avec la faune et la flore. Issu d’une famille de restaurateurs, il se rappelle sa mère toujours attentive aux mouvements et respirations de cette nature; et c’est en son cœur - par le passé - que Jean Sulpice tente de s’en rapprocher en voulant de prime abord devenir bûcheron puis pépiniériste. Ce sera donc par la voie de la gastronomie qu’il pourra s’illustrer et faire passer ses émotions.

Symbole de liberté, indomptables en leurs écrins naturels, les plantes et les herbes confèrent à Jean une source inextinguible d’inspiration. Aux côtés de Marc Veyrat, il va durant cinq années, s’imprégner de ce monde gustatif naturel, aussi sublime que complexe. Une influence considérable qui lui permet d’élargir sa vision, et ainsi, voir davantage d’horizon en ses Pays de Savoie. Car il faut être doué d’une certaine sensibilité pour écouter le murmure d’un écosystème entier, chaque instant est une leçon. Un certain effort d’attention est requis lorsque l’on marche dans les bois ou lorsqu’on contemple une montagne. Le silence, autour et en soi, fait souvent jaillir l’inspiration; et alors un tableau se forme. L’on aurait tort de croire, en l'effleurant du regard, que la nature n’obéit à aucune loi, qu’elle est purement aléatoire. Or, sa loi est dictée au quotidien et rien n’est dû au hasard, en cela elle est sublime. Les accords entre les mets et les herbes ne sont pas uniquement chimiques, gustatifs ou facilement cohérents; ils sont avant tout poétiques, instinctifs.
paysage de montagne en savoie
Jean Sulpice cueillette d'herbes sauvages en montagne

Les herbes deviennent très vite des complices en même temps que des guides.

Une infinie palette de couleurs végétales génère une créativité sans fin. Ainsi, à l’élégance de la fleur d’ail des ours répond la puissance en goût de la racine de la Tanaisie. De l’étourdissante gourmandise de la reine des prés, en passant par les saveurs de vanille et d’amande amère, font écho le goût acidulé de l’oxalis ou celui plus amère de la chicorée. Des subtilités à déceler, puis distiller, pour en extraire les plus fidèles nuances. Autant de souvenirs heureux, qui dans l’assiette, surprennent, émeuvent : Coques / Livèche. Langoustines / Égopode. Ou encore les très Proustiennes Madeleines / Robinier.

Il est d’une plante, une histoire. Un récit en une recette. Tout cela pour Jean Sulpice en est une aventure, chaque jour singulière. Un voyage intérieur qui puise dans les origines, les racines, l’enfance. Un itinéraire se poursuivant à la cueillette, s’achevant dès lors la quintessence extraite, déposée au centre du plat; offerte aux convives.

De la racine aux fleurs, les vertus et les propriétés varient en même temps que les valeurs gustatives. À l’image de la berce ou de la livèche, que l’on peut déguster en leurs intégralités : de la tête aux pieds. Un dynamisme des saveurs, des bienfaits perceptibles, que l’on ressent en notre âme et conscience de chasseur-cueilleur. Prendre du plaisir en se délectant de toutes les vertus de la nature, cela pourrait être une nouvelle définition moderne du privilège, du luxe. Une équation élégante associant, sans cesse, la créativité et le plaisir; suivant le rythme des saisons.
Oxalis, plante typique de la cuisine de Jean Sulpice
“Ce qui séduit d’abord le chef à travers le spectre de cette palette végétale, c’est la créativité qu’elle génère.”
Jean Sulpice en forêt, tenue sportive
bol d'herbes sauvages

Équilibre et complexité

Dans L’Assiette Sauvage, Jean Sulpice dévoile 45 recettes toutes plus appétissantes les unes que les autres. Des apparentes et évidentes simplicités où pourtant il a fallu de nombreux temps de réflexion. Une introspection au centre d’un univers végétal, indissociable de l’être du Chef. Passeur d’émotion, Jean Sulpice délivre au quotidien à l’Auberge du Père Bise une traduction intime du terroir qu’il signe d’un geste précis. De la Cueillaison d’Été aux teintes d’épicéa dans le beurre maître d’hôtel de son Omble Chevalier, de la camomille faisant corps avec la Blette Polenta, la sauge associée avec le Râble de Lapin ou la Féra Fumée, la tanaisie omnisciente dans la Matelote du Lac; ou enfin : l’oseille, véritable protagoniste d’un dessert aux notes de vanille et d’agrumes.

Aujourd’hui, Jean Sulpice transmet une cuisine maîtrisée mais sauvage, instinctive mais chargée d’émotion. Une cuisine passionnée, utile; magnifiant - dans le plus strict respect de la nature - les richesses du terroir alpin.
trèfles, photo en noir et blanc
Chef Jean Sulpice en cuisine et cueillette de plantes
Rédaction : Christophe Dumarest, Norman Giry | Photographie : Franck Juery
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